Samedi 21 septembre 2024 à 18h30
Au Musée National de Préhistoire aux Eyzies de Tayac
Conférence de Jacques JAUBERT
Jacques Jaubert est professeur de Préhistoire à Bordeaux. D’abord spécialiste du Moustérien d’Eurasie, il étend son champ de spécialisation à l’art gravettien dont il devient un généraliste reconnu.
Cette conférence est mise en parallèle avec celle du colloque, le même jour à Sers (16) et avec celle de L. Bruxelles le 28 septembre à Saint-Céré (46).
Les organisateurs nous indiquent : « Cette conférence traitera des premiers peuplements humains, paléolithiques donc, depuis les premiers outils d’Afrique orientale jusqu’aux peuplements bien plus tardifs de l’Océanie, du Japon puis de l’Amérique. Cette synthèse passera obligatoirement par le Moyen-Orient, incontournable sortie d’Afrique, Out of Africa, des différentes humanités ou de leurs productions matérielles, par exemple l’Acheuléen (?). Cet immense voyage s’arrêtera aussi en Asie centrale, dans l’Altaï russe, en Mongolie ou en Chine. Cet ambitieux panorama sera illustré par des choix nécessairement sélectifs de quelques exemples parmi les plus représentatifs. L’échelle chronologique nous fera partir de 3,4 millions d’année au Kenya (Lomekwi) pour s’achever avec le Tardiglaciaire de Béringie, porte d’entrée en Amérique du nord. »
Cette annonce modifie ce qui était perçu dans le titre de la conférence. Si on rajoute le Tardiglaciaire, et donc l’Amérique et l’Australie, on n’est plus dans les « premiers peuplements paléolithiques ». Les phases ultimes de peuplements paléolithiques de la planète, celles d’Homo sapiens, justifient une place à part.
Quelques outils du savoir
Le référentiel, c’est à dire les données archéologiques disponibles :
Quelle est leur représentativité ? Que modifie chaque nouvelle découverte ? En 20 ans on a vu apparaître l’Homme de Flores, l’Homme de Luzon, L’Homme d’Atapuerca (Antessessor), L’Homme de Denisova, …, voire même l’Homo Naledi, plus délicat à intégrer dans les schémas en vigueur.
Chaque nouvelle découverte modifie rarement les vérités antérieures, mais les rend plus complexes.
Les premiers peuplements de l’Australie restent sujets à débats. On a parfois l’impression de contorsions destinées à faire entrer les nouvelles découvertes dans les modèles en vigueur.
Les peuplements internes de l’Afrique, paraissent être toujours dans un épais brouillard. Ils sont certainement beaucoup plus complexes qu’ailleurs dans le monde.
Trois outils sont utilisés sur ce référentiel :
– L’anthropométrie : elle reste l’outil principal pour le suivi des phases anciennes.
– Les productions « culturelles » : même pour le Paléolithique ancien, on commence à voir des propositions de schémas chrono-géographiques de diffusion ; du moins pour l’Eurasie.
– La génétique : cet outil commence à s’imposer pour les phases les plus récentes. Bien que souvent débattues et parfois récusées, les théories concernant les horloges génétiques proposent des chronologies établies en « nombre de générations » qui permettent de remonter le temps vers des ancêtres communs.
Silvana Condemi est paléoanthropologue et co-auteur du livre « L’énigme Denisova ».
Dans une courte interview elle présente clairement et simplement la démarche scientifique qui a fait suite à l’identification de Denisova.
Cette interview illustre cette récente révolution dans la recherche archéologique avec la prise de pouvoir de la génétique.
Le peuplement de la planète par « Homo » … avant « Sapiens ».
Lomekwi au kenya – 3,4 millions d’années – Des outils avant Homo ? – Ou des Homo encore plus anciens à découvrir ?
Y-t-il eu plusieurs vagues de peuplement de l’Eurasie depuis l’Afrique ?
Certaines en direction de l’Europe, et d’autres en direction de l’Asie … et peut-être au-delà ?
Depuis l’Afrique ? … Du moins pour la 1ère … L’origine des suivantes est-elle argumentée ?
Y a-t-il eu durant le Paléolithique des vagues de peuplement Est <-> Ouest à travers l’Eurasie, telles qu’on en perçoit durant l’Holocène ?
Mais … c’est quoi un peuplement ? Dans une terre vierge : OK. Mais dans une terre déjà peuplée ?
Les modalités de peuplements de la planète par « Homo » … avant « Sapiens ».
Migrations ou expansions ?
Expansions ?
Que vaut d’appliquer à « l’Homme », Homo(s) en l’occurrence, le schéma simpliste extrapolé d’une partie du monde animal : l’herbivore qui continue à « avancer » tant qu’il trouve de l’herbe à brouter ; le carnivore solitaire qui circonscrit son territoire en s’éloignant de celui de son congénère.
Homo est-il un humain ? N’a-t-il pas pu se déplacer pour respirer un air différent ; pour voir ce qu’il y avait au-delà de sa proche ligne d’horizon ?
Migrations ?
Pour ces époques antérieures à Sapiens, les très faibles densités de population invitent à écarter l’hypothèse de conquêtes militaires : celles destinées à la prise de pouvoir.
Pour l’Homme, l’hypothèse d’une fuite face aux évolutions climatiques ne peut se justifier que dans des cas extrêmes. Bien au contraire : il est le mammifère qui sait le mieux s’adapter. Il s’est installé dans les déserts, dans les immensités glacées du grand nord, au cœur de forêts tropicales, et il y a construit sa survie et son bonheur. De plus les changements s’étalent sur de nombreuses générations, laissant tout le temps nécessaire à l’indispensable évolution des pratiques quotidiennes. Mais qu’en était-il chez Homo d’avant Sapiens ?
« Pierre de Lomekwi », pierre philosophale s’il en est car elle aurait pu être taillée par d’autres que par le genre Homo.
On est au Kenya, il y a ≈ 3,4 millions d’années.
Pierre philosophale d’hier. Vers 1925, J. Mandement réalisait la 1ère séquence de docu-fiction sur la recherche en préhistoire. Il mettait en images Jacques Boucher de Crevecœur de Perthes, découvrant, 100 ans plus tôt, des silex taillés.
Européanocentrisme
Il est souvent inconscient. Des décennies durant, on ne nous parlait pas du peuplement de l’Asie. Le cœur était (et reste encore ?) notre « Homme de Néandertal » (celui de l’ex « race blanche aux yeux bleus » ?). Denisova, et d’autres qui sait, restent encore perçus comme une « voie périphérique ».
En parallèle, l’archéologie coloniale n’est plus. Le pillage massif des objets n’a plus lieu. Pourtant une sorte d’archéologie néocoloniale paraît présente. Quelle est sa nature ? Quel est son impact sur les questionnements des chercheurs ?
Rédaction Y. Le Guillou
L’association « Préhistoire du Sud-Ouest » est entièrement indépendante de la Mairie de Cabrerets. Nous remercions la commune, ses élus, et la direction du centre du Pech Merle de leur soutien sans faille.