Vendredi 31 mai 2024
a eu lieu au Musée du Pech Merle à Cabrerets (Lot), la présentation du film :
Le dernier passage
Un film virtuel de J.-M. Geneste et P. Magontier au cœur de la grotte Chauvet
Si vous n’avez pas le privilège de rendre visite à la « vraie grotte Chauvet » : allez voir « Le dernier passage ».
C’est aujourd’hui encore, sans hésitation, la meilleure option existante pour voir la grotte.
Elle offre infiniment plus que cet artefact anamorphosé qu’est ledit fac-similé qui, à quelques kilomètres de la grotte, est offert au portefeuille du tourisme. Il présente un discours amalgamant celui du concepteur et celui du guide. Il ne restitue rien : ni émotions, ni points de regard. Il n’offre pas d’espace de rêve référant à la grotte Chauvet.
Elle offre bien plus que ces deux expériences d’images animées et commentées que furent celles de :
Pierre Oscar Levy avec sa trilogie : « La grotte Chauvet, devant la porte », « La grotte Chauvet, la première fois », « Dans le silence de la grotte Chauvet ». Des années durant, caméra à l’épaule, il a été contraint d’attendre debout devant la porte qu’on daigne la lui entrouvrir.
Werner Herzog et sa « Grotte des rêves perdus ».
Noter que la traduction de « forgotten dreams » aurait dû être « rêves oubliés », titre passionnant, et pas l’attristant « rêves perdus » (de qui et par qui ?).
Si quelqu’un a perdu ses rêves à la grotte Chauvet : c’est bien Werner Herzog.
Le créateur du Pays où rêvent les fourmis vertes, d’Aguirre, et de Fitzcaraldo, avait vu les portes s’ouvrir à la seule mention de son nom, et avait obtenu le droit de filmer dans la grotte.
Mais il fut accueilli sur site dans de telles conditions de stress de toutes parts, qu’elles ont dû participer à la destruction de ses rêves.
Jean-Michel Geneste et Pascal Magontier ont contourné l’obstacle de l’accès à la grotte grâce à l’utilisation exclusive d’un modèle numérique 3D.
Les écueils se sont donc avérés différents de ceux qu’ont dû affronter leurs prédécesseurs. Cet outil technique permet des angles de regard, des reculs, des éclairages, qui vont bien au-delà de ce que l’Homme peut percevoir dans la grotte. Les images peuvent apparaître froides, trop uniformément teintées. Sur ces points, l’utilisation de ces modèles 3D déshumanise.
Transcrire en art vivant, poétique en l’occurrence, les sidérantes œuvres d’art du Paléolithique Supérieur est une gageure.
« Le dernier passage » n’échappe pas à cette règle (déroutante ?).
Le côté philosophico-poétique, façonné autour d’un comptoir du Saint-Germain-des-Prés des années 1950 imbibé d’un zeste de Californie de la fin des années 1960, méritait tout à fait d’être une voie d’escalade à tenter.
J.-M. Geneste et P. Magontier se sont voulus poètes. Poètes de l’impoétisable ?
Il y a des sujets qui échappent au partage des rêves et donc peut-être à celui de la poésie. L’art paléolithique doit être de ceux-là, avec à son pinacle : Lascaux et bien sûr Chauvet.
Pierre Oscar Lévy est un bon. Werner Herzog est un bon. Jean-Michel Geneste est un bon. Pourtant les avis sur leurs productions Chauvet sont 50 % blanc et 50 % noir. Jamais de gris.
Ce que vous ne verrez pas dans le film : la grotte Chauvet aujourd’hui. Propre, presque rutilante. L’usage du jour est à l’inox. Il y a 50 ans il était au béton … pour faire propre.
Pourtant vous verrez la grotte Chauvet … celle de qui ? … celle de quand ?
Dessins de la grotte Chauvet revisités par … les ours, et l’usure du temps. Nous savons qu’au moins 3 vagues d’aurignaciennes et aurignaciens ont déferlé dans la grotte. Les 2 dernières ont saccagé, modifié, repris … en fait réécrit les images laissées par leurs prédécesseurs.
Réécrit, presque à l’instar des auteurs du « Dernier passage » qui ont écrit leur propre passage.
Mais : oui : si vous n’avez pas vu la « vraie » grotte Chauvet : allez voir :
Jean-Michel Geneste, fin connaisseur s’il en est de la grotte Chauvet, a su, de manière fort intelligente et agréable, commenter ce film et répondre à nos questions.
Rédaction Y. Le Guillou
L’association « Préhistoire du Sud-Ouest » est entièrement indépendante de la Mairie de Cabrerets. Nous remercions la commune, ses élus, et la direction du centre du Pech Merle de leur soutien sans faille.