2024 - L'igue de Rahan à Caniac (46)

Opération de fouille dirigée par Jean-Christophe CASTEL

Le responsable d'opération

Jean-Christophe CASTEL est docteur en archéozoologie, chercheur associé à l’UMR 5199 du CNRS et enseignant-chercheur à l’Université de Genève.

Il est considéré comme « le » spécialiste  actuel des faunes paléolithiques du Quercy.

Après avoir des années durant dirigé plusieurs fouilles dans le Lot, dont celles du Petit Cloup Barrat à Cabrerets et de l’igue du Gral à Sauliac-sur-Célé, il s’attaque pour une 1ère année à l’igue de Rahan.

Cette opération bénéficie avant tout du soutien financier du Ministère de la Culture et du Museum d’Histoire Naturelle de Genève (Suisse).

Historique du site

La découverte du gisement archéologique date de 2021. Elle est le fait de spéléologues, Bruno Maillot et Pierre Murat, qui pratiquaient une désobstruction dans un puits naturel légèrement entrouvert.

En 2022, J.-C. Castel entreprenait une opération d’évaluation : tri des déblais de la désobstruction spéléologique, observation des coupes dans l’étroit puits  de désobstruction, datations au carbone 14 de quelques ossements d’intérêt particulier.

Il considérait ensuite que ce site pourrait présenter un intérêt exceptionnel dans le cadre de ses axes de recherche.

J.-C. Castel entreprend donc en 2024 une première année de travaux de fouille, année qui n’est certainement que le début d’une longue série.

 

L’entrée de l’aven de Rahan en 2022. Noter l’étroitesse du puits vertical désobstrué par les spéléologues sur plus de 10 m.

Le site

L’igue de Rahan est isolée sur le causse au milieu des bois, dans un secteur où toutefois foisonnent les gouffres et autres igues. L’igue de Rahan se présente sous la forme d’un puits de moins de 2m de diamètre. Son remplissage est repéré sur presque 12 m de profondeur.

Contenu d’intérêt archéologique

Les descriptions aimablement fournies par les spéléologues inventeurs du site, et l’examen des déblais de désobstruction réalisé en 2022, ont permis à J.-C. Castel d’établir un premier constat.

Dans un premier temps, au Pléistocène, le site a (entre autres ?) fonctionné en tant qu’aven-piège. C’est à dire que des animaux y seraient accidentellement tombés, puis y seraient morts. On est en présence de dizaines de millénaires d’accumulation en grande abondance de faunes paléolithiques d’une grande diversité, dont, par exemple, du mammouth. Plus surprenant, on y trouve de l’ours, fréquent dans les grottes mais rare dans les « avens-pièges ».

Après le Paléolithique, des indices d’activités néolithiques et/ou protohistoriques sont présents. Mais il s’agit peut-être d’une simple « poubelle », lieu occasionnel et répétitif du rejet d’animaux domestiques morts.

Datés de l’extrême fin du Néolithique des ossements humains ont été découverts. Les travaux engagés permettront de savoir si on est en présence d’une sépulture structurée, située au sommet de ce niveau, ou s’ils font partie du contenu des poubelles.

Pour clore la séquence d’utilisation du site, une épaisse poubelle historique semble avoir fonctionné par intermittence, peut-être jusqu’au 19ème siècle.

L’entrée de l’aven de Rahan en 2024. La protection circulaire métallique délimite la partie verticale du puits, là où toute chute serait très dangereuse.

Problématiques développées

Les problématiques avancées par J.-C. Castel sont avant tout paléontozoologiques. Il cherche à caractériser précisément les espèces animales sauvages, et à comprendre leurs évolutions et les raisons de leurs présences ou absences.

S’il a retenu de s’investir à l’igue de Rahan, alors que tant d’autres sites quercinois l’appelaient, c’est bien sûr parce qu’il a l’opportunité d’étudier un site « presque vierge » de toute intrusion moderne.

Mais c’est surtout parce qu’il espère y trouver une source d’informations à mettre en parallèle avec ses travaux à l’Igue du Gral. 

En effet : Il est toujours délicat d’établir une chronologie, en l’occurrence celle des faunes du Pléistocène final, à partir d’une unique séquence de référence.

De plus, il espère pouvoir disposer à l’ Igue de Rahan de connexions anatomiques fiables, c’est à dire avoir la certitude que plusieurs os appartiennent au même individu.

Cela permettrait une  caractérisation bien plus précise des évolutions et des morphologies des espèces concernées.

Recherche en panne ?

 

L’igue de Rahan est l’exemple même du site qui pose la question de l’étude des niveaux historiques.

Qui pour s’intéresser à ces niveaux du moyen-âge tardif, voire peut-être bien plus récents ?

Qui pour s’intéresser à un vrac chronologique de poubelles rurales entremêlées datant de la 2nd moitié du 2nd millénaire de notre ère ?

Verra-t-on un jour un intérêt à étudier une poubelle des derniers siècles comme on étudie un niveau anthropisé datant de 20 000 ans … niveau qui parfois n’est pas autre chose qu’une poubelle ?

 

L'équipe scientifique

Vu l’exiguïté du « champ de fouille » l’équipe de fouille est très restreinte : 5 personnes au plus en incluant ceux qui assurent le traitement  des déblais et ceux qui se chargent de remonter les sédiments jusqu’à l’entrée du puits.

Outre J.-C. Castel, 2 spécialistes  : Mathieu Bosc (geo-archéologue) et Marina Escolà (archéo-anthropologue), sont  disponibles à tout instant pour intervenir sur site.

Indépendamment, d’autres spécialistes de bien des disciplines se sont engagés à travailler ensuite, en laboratoire, sur le matériel et les échantillons prélevés.

Méthodes de fouille

Dans l’attente d’atteindre des niveaux plus anciens, et peut-être mieux structurés, la fouille se fait par décapages altimétriques.

Régulièrement, au fur et à mesure de la progression des travaux, une couverture photographique est réalisée. Dans sa conception, cette dense couverture est destinée, après chaque décapage, à permettre une restitution photogrammétrique.

Ici, le port du casque est obligatoire.

Le traitement des sédiments a lieu à côté de l’entrée de l’aven.

Dans le cadre des niveaux historiques récents, en cours de fouille en 2024, le traitement consiste en un tamisage à sec à une maille de 5 mm.

Il en sera tout autrement dès que des niveaux sépulcraux, puis les niveaux contenant des faunes paléolithiques seront explorés.

PERSPECTIVES

Disserter aujourd’hui sur les perspectives n’est pas vraiment d’actualité.

En effet : l’année 2024 aura permis à J.-C. Castel de descendre d’environ 2 m dans le puits. Il lui reste environ 4 m pour atteindre le sommet des niveaux à faune pléistocène. Sans compter que le niveau sépulcral hypothétique n’a pas été repéré. Et une sépulture en place, même anciennement remaniée et même de faible épaisseur, imposerait des durées de fouille beaucoup plus longues que celles appliquées jusqu’à présent. Il faudra donc peut-être quelques années à J.-C. Castel pour atteindre les niveaux archéologiques qui le passionnent : ceux contenant des  faunes paléolithiques. Et même ce jour là, il ne disposera pas encore de données suffisantes sur leur stratification pour pouvoir estimer la durée de leur étude. La méconnaissance des parties profondes du site est encore trop importante pour établir des perspectives calendaires de progression des fouilles.

Alors  faisons notre la réponse de J.-C. Castel quand il nous dit : « Cela risque vraiment de durer très longtemps ».

Interrogé sur d’éventuelles projets de publication, J.-C. Castel paraît s’orienter vers des publications par thèmes et par « tranches », plutôt que vers une unique publication de type monographique.

Rédaction Y. Le Guillou, M. Escolà

Préhistoire du Sud-Ouest

Musée du Pech Merle

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